Sur un de mes parcours préféré, au mois de mai, et connaissant le poste comme un sauve broucouille, j'étais surpris de ne rien y faire. Les dérives étaient bonnes, les appâts mûrement choisis, et pourtant le calme plat. C'est dans ces moments qu'il est nécessaire de se poser, et d'observer. Tenter la dérive risquée, prés de ce bloc rocheux, ou de cette branche immergée, une dérive suicide, soit un poisson, soit l'accroche. Il est nécessaire d'ajuster l'équilibre de sa ligne, de préparer son lancer avec précision, de trouver l'exact profondeur de l'appât, et de soigner sa dérive jusqu'à l'immobilisation, au moment ou tout s'arrête, sauf le palpitant quand les grands coup de tête démarrent.
Ca y est, elle est pendue!!! Le plus difficile commence, rush hargneux, prise de plusieurs mètres de fil, il est impératif de suivre la belle dans sa fuite sous peine de casse d'une ligne extrêmement légère, succès de l'attractivité de notre appât. Cette fuite en grande rivière se fait toujours aval, et là, le pêcheur uniquement concentré sur sa ligne et la tenue du poisson, devient un équilibriste courant sur les cailloux. Elle s'est posée dans un trou, contre ce bloc qui frotte sur le bas de ligne, il faut la brider un peu, tourner autour de sa cache, lui montrer qu'elle n'y est pas en sécurité, et qu'il faut qu'elle en reparte. Nouveaux coups de tête, nouveau rush, le fil péniblement récupéré repart à nouveau, les mètres s'échappent. Il s'est déjà écoulé de longues minutes, et toujours pas vu la belle. Elle reste dans ce courant profond et violent, allant de blocs rocheux en blocs rocheux. On est maintenant en fin de lisse, moins de courant, et moins d'eau, presque une trentaine de mètres depuis l'endroit ou la zébrée chassait.
Sa vivacité s'est un peu atténuée, mais la méfiance entre nous deux reste de rigueur.
Enfin je devine une ombre, un beau poisson, pas loin de cinquante centimètre.
Viens ma belle, calme, je peux la basculer au dessus de moi, la première fois ou je suis en supériorité sur cette truite. Elle est fatiguée, et la prise s'avérera facile, pas de derniers rushs.
Tu es superbe, trapue et bien dodue, un bijou comme en recèle cette rivière somptueuse.
Quelques photos et séance de réoxygénation, tu es fatiguée, merci, merci pour ces moments de bonheur ou plus rien n'existe, ou même le bruit de l'eau s'estompe. C'est enivrant, repart d'ou tu viens et à bientôt j'espère. Prend soin de toi!!!
Dans un autre superbe poste de cette rivière, existe une population d'ombres qui n'ont rien à envier à nos voisins du nord de l'Europe, plus de quarante cinq centimètres pour les plus beaux. C'est un endroit à l'approche que je garde secrète, et seuls quelques amis pêcheurs m'y ont suivi. Dernièrement c'est avec Bruno, que l'on s'y est rendu, et après avoir légèrement alourdi ma plombée pour passer dans de bonnes conditions, le boum. L'endroit est étroit, la végétation recouvre l'eau sur le côté, obligeant à brider le poisson, à la limite de la casse. L'ombre est beaucoup plus brutal dans son combat, se livrant totalement, pas de temps mort. Là encore, le temps s'arrête, les minutes passent, la canne se courbe sous chaque coup de tête. Puis c'est la rédition, épuisé, mon camarade d'instant éphémère se rend.
A bientôt toi aussi, retrouves tes compères et soit prudent.
La vidéo de sa remise à l'eau...